D'hier à aujourd'hui, l'épopée des bals masqués

L'envie de se cacher derrière un masque, de changer de peau par le truchement d'un costume, d'un simple déguisement ne date pas d'hier. Depuis toujours, l'homme aime l'anonymat que procure le masque, pouvant couvrir parfois bien des audaces... Plus sensuel, plus libéré que le bal plus formel, le bal masqué a connu une popularité toujours croissante dans les rangs de la haute société. Retour sur les origines de ces bals incroyables...

Le bal masqué aussi dénommé "mascarade" existe en Europe depuis le Moyen-Âge, époque où les nobles aimaient donner un sens allégorique à leurs costumes comme en témoignent les festivités organisées alors chez les ducs de Bourgogne entre les IXème et XVème siècles. Cette fête du déguisement et des costumes a cependant connu son véritable essor pendant la Renaissance où elle devint très populaire dans de nombreux pays du Vieux Continent, et notamment en Italie.

Son succès se poursuit en France et séduit la bonne société, qui en raffole voyant là l'occasion d'adopter librement un style et de se glisser dans la peau de qui bon lui semble. Personnages historiques et légendaires, figures fantastiques... l'essentiel est de rester anonyme le plus longtemps possible sous son costume extravagant. Mascarade capricieuse, le bal masqué est la célébration du mystère, de la fantaisie et de l'inconnu.

Le port du masque obligatoire, accentuant d'autant le côté énigmatique, auréole ces festivités d'une connotation sensuelle voire libertine dont chacun, couvert par l'anonymat, peut profiter. Aucune action entreprise sous le déguisement ne peut être imputée à qui que ce soit lorsque la vie reprend son cours normal...

La bonne société voit aussi dans ces bals, l'opportunité d'étrenner de nouvelles toilettes, de s'enivrer de musiques et de danses lors de dîners somptueux organisés en soirée dans des salles au luxe ostentatoire. Féerie de couleurs, éclat des lumières, surenchère de toilettes... la noblesse adore ces bals grandioses dont le jeu consistait alors à deviner l'identité de chacun.

Les cours royales successives ont organisé des bals masqués plus ou moins fréquemment au gré de la fantaisie ou de l'austérité des différents souverains. Parmi les plus célèbres bals masqués de l'histoire, on citera celui donné par le surintendant Fouquet le 15 janvier 1661 en son hôtel parisien d'Emery, qui voit la participation des plus hautes personnalités de l'époque ou le bal des Ifs donné par le roi en 1745 à Versaillles où mot d'ordre fut donné aux courtisans de venir déguisés en ifs.

On n'oubliera pas le plus célèbre, le bal de l'Opéra créé en 1715, qui avait lieu pendant toute la période du Carnaval de Paris, deux fois par semaine à partir de minuit. D'autres grands bals tout aussi somptueux eurent pour décor le ministère de la Marine française et le théâtre du Chatelet en 1866. On citera également le bal de Madame O'Connel en 1867, le bal des Folles en 1887, le bal des Incohérents en 1889 qui ponctuèrent plusieurs décennies.

On ne peut toutefois oublier ceux qui se terminèrent tragiquement comme le bal des Ardents en 1393 où certains courtisans déguisés en hommes sauvages enchaînés les uns aux autres et revêtus de peaux de bêtes fixées par de la poix eurent la malchance de passer trop près d'une torche qui les embrasa vivants ou le bal qui fut le théâtre de l'assassinat du roi Gustave III de Suède, organisé au théâtre royal de Stockholm en 1792.

Le bal costumé s'épanouit ainsi jusqu'au XIXème siècle où d'évènement codifié de la vie sociale du XVIIIème siècle il devint véritable phénomène de société régnant sur toute l'Europe et outre-Atlantique.

Le dernier bal de l'Opéra se tint dans les années 1920. Cette tradition prit fin par suite de l'usure et de la dangerosité du plancher amovible supportant les danseurs, qui ne fut pas remplacé. De nos jours ces manifestations aux costumes féériques ont été plus ou moins abandonnées au profit des carnavals, plus populaires, qui fédèrent un plus grand nombre de participants.

Cependant certains bals masqués perpétuent encore aujourd'hui cette tradition avec quelques initiatives d'envergure visant à replonger les plus nostalgiques dans cette féérie fantaisiste. Le célèbre « Labyrinth of Jareth masquerade ball » de Los Angeles réunit par exemple tous les ans des centaines de personnes parées d'incroyables costumes dans une ambiance fabuleuse. Ailleurs aux États-Unis et dans certains pays européens comme les Pays- Bas avec le «  bal du masque » d'Amsterdam on tente de perpétuer cette tradition séculaire et festive.

Alors définitivement oubliés les bals masqués ? Pas sûr ! Supplantés largement par les défilés carnavalesques, ils n'ont pas définitivement rangé leurs masques et leurs loups...